Le jouet

Nouvelles de peur

J’ai l’impression que ça fait une éternité qu’il est parti. En même temps, je n’ai aucune notion du temps dans cette putain de cave sans fenêtre. Même pas une foutue fenêtre. Ça peut faire 6 mois comme 2 ans. C’est long. Juste long. J’ai bien essayé de compter en fonction des repas. Mais des fois, j’ai faim longtemps. D’autres, il débarque et j’ai pas faim. Faut avouer que depuis que je suis là-dedans, j’ai souvent faim et pas faim. À chaque fois que je veux manger, je lui dois un truc. Et souvent, c’est pas appétissant… Et plus il part longtemps, pire c’est.

Et là, putain, c’est long !

Le pire, c’est que j’ai l’impression d’être une bête qui attend que son maître revienne. Beurk. Son maître. C’est comme ça qu’il veut que je l’appelle quand je « paie » pour ma nourriture. Les détails reviennent, ça me coupe la faim, heureusement. Mais je sais qu’à son retour, ça sera toujours pire.

C’est pareil, j’ai essayé de me calquer sur les viols pour savoir combien de temps ça fait que je suis là-dedans. Et à part me dire que personne ne m’a cherchée, je n’ai rien tiré de bien probants.

Parfois, j’entends ses pas. J’espère manger. Parfois, ils sont plusieurs. J’espère surtout pas manger.

Et il y a les injections. Je sais pas trop ce qu’il m’injecte, mais je n’ai plus mes règles. Il vient la nuit, je le sens mais je fais semblant de dormir. Souvent il se déguise. Ça me fait flipper. Il vient, il me respire. Je te jure, c’est le terme. Des pieds à la tête, il sent mon odeur. Et des fois, j’ai l’impression qu’il veut me bouffer. Il me respire et il me lèche les avant-bras. J’ai pensé qu’il me filait peut-être des OGM pour me faire grandir et je ne sais quoi. En même temps, un jour, je me suis énervée et je lui ai dit que c’était un malade et que je savais qu’il allait me bouffer. Il est resté si calme. J’ai bien cru que ça allait enfin finir, qu’il allait mettre fin à mes jours. Il est remonté et il a invité ses potes. À un moment, il a ouvert la trappe et il m’a jeté un truc en disant « On ne joue pas avec la nourriture ». Ses potes ont rigolé. L’un d’entre eux a demandé s’il pouvait venir jouer avec moi dans la trappe. Heureusement la trappe s’est refermée et il a allumé ma lumière : ce qu’il m’a jeté était un cœur humain. Il a rouvert la trappe et m’a dit « Bonne appétit. Remercie ton maître. ».

Trop longtemps qu’il est pas revenu. Même les souvenirs n’effacent plus ma faim. J’ai peur. La dernière fois, son délire c’était les brûlures. Et après il allumait cette foutue lumière pour que je vois les brûlures.

Tant de temps a passé que j’y crois plus. Personne me cherche. Au début, il m’emmenait les avis de recherches avant de me torturer psychologiquement et physiquement. Puis il a arrêté et m’a dit « Maintenant t’es à moi. On te croit morte, ou droguée dans un squat. On va bien s’amuser. ». Et il a ri. Régulièrement, il revenait dans la cave et me regardait avant d’exploser de rire.

Merde! J’entends ses pas. Putain de Dieu, je t’ai imploré et jamais tu m’as aidé. S’il te plait, tue moi quand il me fera mal. S’il te plait. S’il te plait.

Quand la trappe s’est ouverte, j’ai compris que si Dieu ne me tuait pas, l’autre psychopathe le ferait.

Une grosse chaussure. Une chaussure de clown. Une deuxième.

« Alors mon jouet, tu pensais? »

J’halète tellement j’ai peur.

« Je t’ai déjà interdit de penser. Tu veux encore être brûlée ? »

Je ne répondrai pas.

« Je te parle. Répond. »

Non. Ne laisse pas la peur te forcer à lui répondre.

« RÉPOND PUTAIN »

Non. Non. Et va te faire foutre. Lis dans mes pensées connard.

Je vois le début de son pantalon.

« Y a quelqu’un? »

Il déteste le silence. Ça fait partie de son problème de toute puissance. Maître de mes couilles ouais !

« C’est dommage que tu joues à ce jeu-là. Je nous avais prévu une surprise. »

Plus il descend l’escalier, plus je perçois sa surprise. Il est habillé en clown.

« Mon jouet? »

Il a une perceuse à la main.

« Mon jouet? Je t’entends haleter. »

Il a une putain de perceuse à la main. POURQUOI ?!

« Il n’y a pas si longtemps, on soignait l’hystérie et d’autres maladies mentales par la lobotomie. Je crois assez à ce traitement. »

Il a le QI d’une huître et pour la première fois de sa vie, il a ouvert un bouquin. Manque de bol, c’est sur la lobotomie.

Il fait vrombir la perceuse.

Étonnamment, je suis presque soulagée. Ça ne sera pas plus douloureux que la fois où il m’a cousu la bouche avant de laisser ses potes jouer avec moi, tous ensemble. Au moins, je ne m’en souviendrai plus.

« Mon jouet? »

La perceuse vrombit si fort dans ma tête que je n’entends plus rien.

Peut-être que je suis enfin morte.

Crie.

Nouvelles de peur

Tout commence toujours par là. Par l’Amour. Ce si bel Amour des contes de fées. Mais les histoires d’amour finissent mal. Je me demande si c’est l’Amour ou si c’est les relations entre les Hommes qui doivent mal tourner. 

Et pourtant, j’ai eu du temps pour réfléchir. 

3 mois. 3 mois qu’il m’a enfermé. 3 mois. Et il dit que ça ne fait que commencer. 3 putains de longs mois. 

Et je ne sais toujours pas si c’est l’Amour ou simplement l’humain. 

Et dire que quand je l’ai rencontré, c’était l’homme parfait. Dans toutes situations, il gérait. Galant, aimant, attentionné, beau. Je me voyais marié avec lui. Et c’est bien là, l’ironie de la situation: il m’a pas passé la bague au doigt, mais bien une menotte au poignet ! 

Et depuis 3 mois, je n’ai le droit de me lever que quand il veut bien me détacher. 

L’ironie de la situation. J’en ris parfois. Comme une folle. Et je ris à m’en faire péter les abdos quand je réalise que je suis tout dépeignée, comme une folle. Parfois, je pleure. 

Une fois, j’ai tiré tellement fort sur cette putain de menotte que je me suis brisé le poignet. Je me suis dit que c’était ma chance, que c’était le moment de faire coulisser ma main et de me libérer. J’y croyais à peine quand elle a coulissé hors de la menotte. Je me suis levée et j’ai couru à la porte. Fermée. j’ai couru à la fenêtre. Fermée. J’ai tapé, tapé, tapé. Rien. Cette foutu fenêtre ne veut pas se briser. Par contre, mes os de la main oui. Au bout de quelques minutes, j’ai compris que c’était mort. J’ai pleuré. J’ai tapé des pieds. J’ai hurlé. Et j’avais mal. Mais pas autant que quand il est rentré. Il était tellement en colère que je me sois blessée. Il a passé plus d’une heure à m’insulter. Puis il m’a soignée. Et il a recommencé à m’insulter, à me rabaisser. Il m’a craché dessus. Il m’a cassé l’autre poignet. Je ne sais pas si les mots faisaient plus mal que mes poignets. Je pleurais. 

– Toute façon, t’es qu’une pute ! Je vais te le faire payer. Un peu comme ce soir de Nouvel-An, tu t’en souviens? 

C’en était trop. J’ai hurlé. J’ai voulu me défendre, m’enfuir. 

– Mais vas-y chérie. Crie. Personne ne t’entendra. Crie. ça ne me dérange pas. Au contraire même. Crie. Crie. CRIE. 

Abasourdie, je me suis renfrognée. J’ai une trouille bleue de ce type. 

– Crie où je te pète les côtes ! 

Putain, comment j’ai pu être si naïve? 

– Tu m’as entendu?! s’enrage-t-il un sourire narquois au visage. 

Je ne céderai pas. 

– Oh ! Je te cause ! 

Il s’avance le pied tendu comme s’il tirait un corner au foot. J’abdique avant qu’il ne frappe et je crie. 

128 jours

Nouvelles de peur

Cette nouvelle a été rédigée dans le cadre du concours Webstory 2016 sur le polar et a remporté le 3ème prix.

Lisez la nouvelle ici !

Jour 112

– Madame Zambetta, parlez-nous un peu de l’enquête. Vous avez été la première intervenante sur chacun des drames. Comment l’expliquez-vous ?

J’avais déjà bien compris qu’ils me tenaient pour responsable de cette enquête bâclée. C’est d’ailleurs pourquoi je n’avais plus le droit au statut d’Inspectrice.

– Comprenez bien que nous sommes là pour comprendre ce qui s’est passé. Et surtout comment un meurtrier, ou une meurtrière, a pu vous échapper pendant près de quatre mois alors qu’il, ou elle, laissait un indice à chaque crime.

En étais-je responsable ? Quatre morts. Un par mois. Toujours des hommes. Et avec un modus toujours plus violent. Quatre morts. Toutes marquées d’un indice. Et ce foutu panneau jaune de la Police scientifique.

– L’auteur, masculin ou féminin, laisse un indice et le marque et vous n’avez toujours aucun suspect.

Ni un foutu témoignage ai-je failli leur rétorquer. Mais ça aurait été comme me tirer une balle dans le pied. Je n’avais que quatre indices. L’auteur maîtrisait le sujet et ne laissait aucune trace sauf ses foutus indices farfelus. Pour lui, ce n’était qu’un jeu.

– Madame Zambetta, vous étiez la première sur toutes les scènes de crime. Aucune trace, sauf les indices, n’a pu être trouvée. Comprenez que nous nous questionnions.

– Vous pensez que c’est moi ?!

– Pour l’instant, nous nous questionnons. Mais beaucoup d’éléments vous accusent. Vous avez suivi des cours de sciences forensiques, vous connaissiez tous les lieux de crimes et y avez été aperçue quelques jours avant les drames…

– J’ai compris. Il vous faut un coupable. Enfermez-moi et vous verrez que les meurtres continueront !

J’ai toujours été trop impulsive et souvent mes mots dépassent ma pensée.

– … Les meurtres, au vu de leur nature, sont sûrement perpétrés par une femme célibataire. Vous êtes célibataire et votre dernière rupture s’est mal déroulée…

– Excusez-moi,  mais quel est le rapport avec ma dernière rupture ?!

Ce discours de psychologie de comptoir commençait à m’agacer. William était quelqu’un de fougueux et notre rupture avait été agitée. Oui, on s’était battus. Mais cette histoire ne regardait personne. Oui, la police avait dû intervenir. Mais c’était il y a plus de trois ans.

– Lors de votre rupture, deux agents ont dû intervenir chez vous. Vous étiez en sang et vous aviez arraché l’oreille de votre conjoint.

On dit qu’il faut parfois savoir se taire.

– Au vu des actes perpétrés dans ces crimes et de votre potentielle implication, nous vous relevons de vos fonctions et vous gardons en préventive.

On dit que le silence est d’or. Enfin, on dit…